jeudi 20 avril 2017

Lettre ouverte aux fantômes… d’Eric Poindron

Eric Poindron, Lettre ouverte aux fantômes, les miens, les vôtres & peut-être les leur(re)s, éd. Le Réalgar, avril 2017, 24 pages.

Aucun amateur de fiction ne résiste aux fantômes. Ils sont là, qu’ils existent ou n’existent pas. C’est cette idée – cette évidence – qu’Eric Poindron développe dans sa lettre ouverte.

Le long titre de son texte expose exactement son projet : les fantômes croisés ici sont familiers (les siens, les nôtres), universels (les leurs) et peut-être imaginaires (leurres). C’est sans doute dans l’Angleterre victorienne qu’ils se sont le plus évidemment manifestés, et notamment en littérature. Fantômes chez Chesterton, chez Lewis Caroll, et aussi chez Dickens, qui fait naître son David Copperfield un vendredi soir.

« Vu le jour et l’heure de ma naissance, la garde de ma mère et quelques commères du voisinage […] déclarèrent : 1° que j’étais destiné à être malheureux dans cette vie ; 2° que j’aurai le privilège de voir des fantômes et des esprits. Tout enfant de l’un ou l’autre sexe assez malheureux pour naître un vendredi soir vers minuit possédait invariablement, disaient-elles, ce double don. »

Les fantômes de Poindron sont cocasses et réfléchis, ils apparaissent parfois contre leur volonté et ne veulent pas déranger. Faut-il avoir peur d’eux ? A-t-on jamais pensé qu’eux aussi, sans doute, avaient peur de nous ? Si les histoires de fantômes effraient, que font aux fantômes les histoires de vivants ?

Eric Poindron ne cherche pas à convaincre de l’existence des fantômes. En excellent connaisseur du terrain de l’imaginaire et de la fantaisie, en amateur éclairé des choses obscures, et en ami complice de son lecteur, il convoque Nerval le poète, John Frogg le détective de l’occulte et Harry Kellar le magicien. La lettre ouverte de Poindron est autant un savoureux exercice de style qu’une invitation à découvrir ou redécouvrir des auteurs hantés par le thème.